Au sein de notre société, les individus sont aujourd’hui sans cesse contraints, pour rester employables, de revoir leurs manières de faire et d’être, le monde social et économique ne cessant de se transformer. L’adaptation requise a longtemps nécessité d’effectuer une formation (initiale ou continue) ou d’aller en apprentissage.

Cependant, le dispositif de Validation des Acquis de l’expérience ou VAE[1]  développé depuis 2002 reconsidère ces approches et les enrichit. En proposant d’officialiser par un diplôme les savoirs assimilés et savoir-faire développés au travers de l’expérience de vie salariée, non salariée, bénévole ou volontaire, il créé un nouveau paradigme de promotion des individus permettant de convertir un parcours et des expériences professionnelles en diplôme (Lafont, P., 2009). Il institutionnalise une idée chère à Bertrand Schwartz et Henri Desroches, à savoir que l’expérience a un rôle formateur, qu’elle engage l’acquisition autant de savoirs que de savoir-faire et savoir-sociaux professionnels.

Un tel dispositif met à mal l’idée que les trajectoires personnelles sont toutes tracées. Il donne du poids à l’idée que les progressions professionnelles individuelles sont aléatoires. Il permet d’accompagner les transitions professionnelles dans un contexte en fortes turbulences (sociétales et socio-économiques) et en mutation. Il ouvre les portes de l’acquisition de diplôme à des personnes éloignées de l’école (les décrocheurs, les personnes sans qualification, les personnes ayant eu des parcours scolaires limités, des personnes n’ayant pas les moyens financiers de suivre un parcours scolaire long par exemple) (Aballéa, F., Guérin, F., Le Goff, J. & Zannad, H., 2007). Il participe de la sécurisation des parcours professionnels.

Au vu de ce qu’un tel parcours exige d’un candidat, à savoir évaluer et analyser sa propre activité en la mettant en regard de référentiels de compétences et d’activité, de la mettre en mots et de la défendre à l’oral devant un jury, il est possible de le considérer comme un authentique acte de formation (Lainé, 2000 et Triby, 2014), un parcours de formation d’un nouveau type.

Un acte de formation qu’il est fréquemment difficile d’effectuer seul. Pourquoi ? Parce que l’énonciation de son parcours, le questionnement des situations de travail qui l’émaillent et les actions réalisées au cours de ces situations, la description des savoirs emmagasinés et des savoir-faire développés, pour être accomplis avec distanciation gagnent à être accompagnés L’intervention d’un tiers étant plus que facilitatrice (Laîné, 2000). 

Complexe, ce parcours engendre des conflits intrapsychiques. Selon les socio-constructivistes, un apprenant engagé dans un processus de formation va revisiter les représentations qu’il a de ses acquis, de ses activités professionnelles, de sa fonction, afin de les inscrire dans des référentiels institués. Ces questionnements l’amènent à interroger la valeur et le sens des acquis réalisés jusque-là tout autant que des savoirs qu’il a à intégrer. Bousculé et remis sans cesse en question, il sera déstabilisé, se former équivalant à se transformer (Fabre, M.). Un accompagnement permettra d’apaiser ce conflit, de contenir la déstabilisation qui s’ensuit afin de permettre au candidat de poursuivre la démarche qu’il a engagée et la porter à terme.

Les analyses des décisions de jurys démontrent de surcroît que l’un des facteurs de réussite n’est autre que l’accompagnement dont les candidats ont bénéficié (Thibault, 2002).

Mais de quoi est-il précisément question lorsque l’on parle d’accompagnement d’un candidat VAE ?

Selon Maela Paul (2009) accompagner un tel candidat suppose :

  • de savoir l’amener à narrer son parcours, le but étant de lui permettre de dégager les expériences qui sont les plus significatives au regard des référentiels,
  • de stimuler une analyse réflexive en menant des entretiens d’explicitation,
  • de conduire la distinction entre les différents types de savoirs incorporés à l’action (il s’agit là des savoirs informels et des savoirs académiques requis par chaque diplôme, certification ou titre visés),
  • de développer une pédagogie de l’écriture.

Pascal Lafont estime, quant à lui, qu’« accompagner un candidat VAE, c’est d’abord connaître le cadre de la VAE et les principes qui lui sont sous-jacents, savoir l’expliquer et être en mesure d’en tirer le meilleur parti pour le projet du candidat »[2] 

Pour Mayen être compétent en tant qu’accompagnateur « suppose d’avoir construit en pensée les buts de son action, d’en avoir défini les possibles et les impossibles, d’avoir situé et intégré le cadre règlementaire comme le cadre institutionnel pour s’y repérer et pour en faire des instruments, d’avoir trouvé une posture, à l’égard des autres professionnels et à l’égard des candidats ».[3]

Le dispositif de VAE  a conduit à réinterroger la notion de formation et à reconsidérer l’ingénierie pédagogique qui pouvait soutenir le processus engagé.

Pour ma part être accompagnateur VAE s’est être tout à la fois un passeur, un facilitateur, un guide, un coach, un appui technique et méthodologique, un évaluateur.

 

 

[1] Tout au long du document le sigle VAE remplacera désormais l’expression Validation des Acquis de l’Expérience.

[2] Lafont Pascal, « L’accompagnement au sein du dispositif de Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) : un processus transactionnel », Pensée plurielle, 2009/3 (n° 22), p. 29-43.

[3] Mayen cité par Lafont, 2009